dimanche 26 septembre 2010

Broussaille : La chapelle aux chats

Au risque de me faire tirer les oreilles par les éditions Dupuis ainsi que les auteurs Frank et Bom, je vous présente ici une charmante petite histoire que j'ai trouvé dans l'album "Les meilleurs récits du journal de Spirou n°12 - Spécial animaux" (1986). Une histoire mêlée de mystères antiques et de christianisme médiéval. Bonne lecture...






samedi 11 septembre 2010

Le canon biblique, ses variations et la question des apocryphes

Image : (Saint) Jérôme par Caravaggio. Le théologien était très attaché aux originaux hébreux et au canon du judaïsme. C'est pourquoi il n'a pas inclut dans sa traduction latine les apocryphes transmis par la version grecque des Septante. Ce n'est qu'après sa mort qu'ils furent traduits et ajoutés à la Vulgate.

L'ouvrage que l'on appel communément la Bible est en réalité une bibliothèque de plusieurs livres.

Le mot « Bible » vient du grec « biblia » qui signifie « les livres », biblia dérivant lui même du mot « biblos », l'écorce du papyrus, et du nom de la ville phénicienne de Guébal (actuel Liban) que les Grecs appelaient Byblos parce qu'on y fabriquait des papyrus de grande qualité (cf. Ézéchiel 27:9 dans la LXX où les Guébalites sont appelés Bibliens).


Elle raconte l'histoire du peuple Hébreu, qui deviendra plus tard la nation d'Israël, ainsi que les premières années de l'histoire du christianisme.


On appel « canon biblique » l'ensemble des livres qui sont considérés comme étant d'inspiration divine. Le mot « canon » provient de l'hébreu « qanèh » qui signifie littéralement un « roseau » dont on se servait comme règle ou comme outil de mesure et du grec « kanôn » qui sert à définir tout objet servant à régler et à mesurer.


Les premiers livres ont été écrits en hébreu et en araméen. Ils composent le canon de la Bible juive et sont au nombre de 39 selon le classement moderne commun. La tradition juive les classait autrefois en 22 livres et aujourd'hui en 24. Cela ne change en rien le contenu du canon. Les Juifs la nomment TaNak (Torah, Nevi'im, Ketouvim) c'est à dire la Loi, les Prophètes et les Écrits (cf. Luc 24:44 où Jésus utilise l'expression « dans la loi de Moïse et dans les Prophètes et les Psaumes »). Pour les chrétiens également ces livres font autorité en matière de foi. Le christianisme les groupe en une partie qu'il nomme « Ancien Testament » ou « Ancienne Alliance ». Pour l'islam ils forment également la première révélation de Dieu écrite, bien que d'une certaine façon l'islam soumette son contenu à caution. Ils couvrent une période allant de l'origine du monde aux environs de – 450. Le commencement de sa rédaction remonte, selon la tradition et la chronologie biblique, aux environ du 16ème siècle avant l'ère chrétienne.


La seconde partie de la Bible est composé de livres chrétiens rédigés en grec. Ils ne sont pas reconnus par le judaïsme. L'islam quand à lui en reconnaît l'inspiration divine dans certaines de ses parties notamment les récits évangélistes. Le christianisme appel communément la seconde partie de la Bible « Nouveau Testament » ou « Nouvelle Alliance ». Ils sont au nombre de 27. Ces livres relatent la prédication de Jésus de Nazareth appelé Christ (présenté comme étant le Messie promis dont parlent les prophéties de l'Ancien Testament), les actes de ses premiers disciples, de nombreuses correspondances entre les apôtres et les premières églises ainsi qu'une révélation sur l'avenir de l'Église et la fin des temps. Ils couvrent toute la période du 1er siècle.


L'église Catholique Romaine reconnait, en plus des 39 livres hébreux et araméens, 8 livres d'origine juive mais qui nous ont été transmis uniquement en grec par la version dite des « Septante » (souvent appelée LXX à l'écrit). Le judaïsme et les églises chrétiennes protestantes les ont exclus de leur canon. Ils les nomment « apocryphes » (cachés), « deutérocanoniques » (du 2ème canon) ou « pseudépigraphes » (faux-écrits). En plus de ces 8 livres le canon catholique inclut certains ajouts aux livres universellement reconnus d'Esther et de Daniel. Les églises orthodoxes ajoutent encore 5 autres livres présent dans la Septante mais que le catholicisme n'a pas retenu. L'église orthodoxe éthiopienne quand à elle y ajoute 3 livres de la littérature juive tardive.


Les 39 livres du canon juif selon le classement commun des églises chrétiennes : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué, Juges, Ruth, 1 Samuel, 2 Samuel, 1 Rois, 2 Rois, 1 Chroniques, 2 Chroniques, Esdras, Néhémie, Esther, Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques (ou Chant de Salomon), Isaïe, Jérémie, Lamentations, Ézéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahoum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.


Les 66 livres du canon protestant : Canon juif (Ancien Testament) + le Nouveau Testament : Matthieu, Marc, Luc, Jean, Actes, Romains, 1 Corinthiens, 2 Corinthiens, Galates, Éphésiens, Philippiens, Colossiens, 1 Thessaloniciens, 2 Thessaloniciens, 1 Timothée, 2 Timothée, Tite, Philémon, Hébreux, Jacques, 1 Pierre, 2 Pierre, 1 Jean, 2 Jean, 3 Jean, Jude, Révélation de Jean (Apocalypse)


Les 74 livres du canon catholique : Ancien Testament + Nouveau Testament + 8 livres ajoutés à l'Ancien Testament : Judith, Tobie, 1er et 2e livres des Maccabées, Sagesse de Salomon, Sagesse de Jésus ben Sirach (Siracide ou Ecclésiastique), Baruch, Lettre de Jérémie (parfois associée à Baruch).


Les 79 livres du canon orthodoxe : Ancien Testament + Nouveau Testament + les 8 livres ajoutés au canon catholique + 5 livres ajoutés à l'Ancien Testament : le Premier livre d'Esdras (le livre d'Esdras du canon juif est appelé 2e dans la LXX), les 3e et 4e livres des Maccabées, les Psaumes de Salomon, La Prière de Manassé.


Les 83 livres du canon orthodoxe éthiopien : Ancien Testament + Nouveau Testament + les 8 livres ajoutés au canon catholique + les 5 livres ajoutés au canon orthodoxe + 3 livres de la littérature juive tardive ne dépendant pas de la LXX : l'Ascension d’Isaïe, le livre des Jubilés et le livre d'Hénoch.


L'église mormone née aux états-unis en 1830 reconnaît en plus des 66 livres du canon protestant d'autres ouvrages qui lui sont propres. Voir ici : http://scriptures.lds.org/fr/


Certains des livres apocryphes de la LXX sont très précieux sur le plan historique. Le premier livre des Maccabées par exemple relate l'histoire d'Israël sous la domination grecque d'Antiochus Epiphane et nous amène jusqu'aux environs de – 134. Les autres livres sont très inexactes sur le plan historique, surtout celui de Judith, mais nous donne des informations sur les usages des Juifs au 2ème siècle avant J-C.


Outre ceux que nous avons cités, il existe une multitude de livres apocryphes juifs, chrétiens et gnostiques (le gnosticisme est une mouvance chrétienne mystique et syncrétiste) qui circulèrent et servirent parfois de références aux premiers auteurs juifs et chrétiens avant d'être définitivement écartés par les églises. Certains apocryphes servent de bases à des traditions et des légendes au sein du judaïsme ainsi qu'au sein des églises catholiques et orthodoxes. Par exemple le livre de la Sagesse de Jésus ben Sirach est cité plusieurs fois dans le Talmud (compilation de commentaires rabbiniques sur la Loi). Le Protévangile de Jacques (daté du milieu du 2ème siècle) quand à lui sert de base à la croyance selon laquelle Jésus serait né dans une grotte (celle de la nativité à Bethléem) alors que les récits canoniques se contentent d'indiquer qu'il s'agissait d'une étable. Les évangiles gnostiques de Philippe et de Judas accréditent l'idée que Jésus ait eu une femme et que s'il fut trahis c'était selon sa volonté ce qui disculpe totalement l'Iscariote contre le témoignage des évangiles scripturaires. D'un point de vue général ces livres sont utiles pour la recherche historique et religieuse mais n'ont de valeur théologique pour aucune des églises.


Formation du canon juif


Selon la tradition juive il semble que ce soit le prophète Esdras vers – 460 qui compila les livres sacrés du judaïsme tel que nous les connaissons aujourd'hui au retour de l'exil babylonien (– 539), sauf bien sûr les livres de Néhémie et de Malachie qui furent écrit après Esdras.

Flavius Josèphe (v.37 – v.100), écrivain et historien juif de citoyenneté romaine, ne retient que les 39 livres du canon actuel comme inspirés en indiquant concernant les autres livres (apocryphes) : « Depuis Artaxerxès jusqu’à nos jours tous les événements ont été racontés, mais on n’accorde pas à ces écrits la même créance qu’aux précédents, parce que les prophètes ne se sont plus exactement succédé » (Contre Apion I, 38 et 41).


Le concile juif de Jamnia vers 90 confirma définitivement le rejet des apocryphes de la LXX du canon.


Formation du canon catholique et néo-testamentaire

Lorsqu'il traduisit la Bible en latin à la fin du 3ème siècle et au début du 4ème à partir des originaux hébreux et grecs, (Saint) Jérôme n'inclut pas les apocryphes dans sa version appelée la Vulgate. Voici ce qu'il déclara : « De cette façon, il y a vingt-deux livres (selon la manière dont on classait les 39 à l'époque - ndlr). Ce prologue des livres peut, comme un commencement armé de casque, convenir à tous les livres que nous traduisons de l’hébreu en latin et nous faire savoir que tout ce qui est en dehors de là doit être placé parmi les apocryphes ».


A la même époque l'évêque d'Hippone (Saint) Augustin, était d'un avis

différent et considérait que la LXX était totalement inspirée par Dieu. Pour lui les apocryphes n'en étaient pas. Ainsi ces livres furent traduits après la mort de Jérôme et inclut dans la Vulgate latine.

Image : (Saint) Augustin d'Hippone par Botticelli. L'évêque considéré comme le plus grand docteur de l'église par les romains et les orthodoxes considérait les apocryphes présents dans la Septante grecque comme inspirés.

Le canon de Muratori


On appel canon de Muratori une liste découverte en 1740 à la bibliothèque ambrosie

nne de Milan par Louis-Antoine Muratori, historien italien, liste qui dresse les livres du Nouveau Testament acceptés dans les églises. Elle

est la traduction latine d'un original grec du 2ème siècle. Sa particularité est de donner la quasi totalité au second siècle des livres qui seront retenus lors du concile de Carthage en 397.

L'auteur cite deux livres douteux acceptés par certains et rejetés par d'autres : l'apocalypse de Pierre et la lettre de Paul aux Laodicéens qui ne seront finalement pas retenus dans le canon néo-testamentaire.


Le concile de Carthage de 397


C'est au cours de celui-ci que fut fixé officiellement et pour la première fois le canon des livres chrétiens composant le Nouveau Testament. Le concile approuva également la lecture de l'ensemble des livres du canon juif ainsi que les apocryphes transmis en grec par la LXX.


Le concile de Trente de 1546


Ce concile confirma ce qui avait été accepté à Carthage en 397 mais décida d'exclure des livres apocryphes de la LXX, l'un attribué à Esdras et La Prière de Manassé. L'église catholique amputa donc la Vulgate de ces 2 livres après 11 siècles de présence.


Le choix des églises orthodoxes et protestantes


Du côté orthodoxe les livres apocryphes de la LXX n'ont jamais été remis en question et font partie du canon suivant l'avis de (Saint) Augustin d'Hippone. Dans le cas de l'église d'Éthiopie elle retient le livre d'Hénoch auquel l'un des versets du livre canonique de Jude semble faire écho (cf. Jude 14, 15 et Hénoch 1:9). La présence des deux autres livres semble venir du fait que des auteurs chrétiens s'y réfèrent. L'Ascension d'Isaïe est d'ailleurs, selon la critique, d'origine chrétienne pour moitié.


Les premiers réformateurs quand à eux se sont écartés très rapidement des apocryphes. Le théologien anglais John Wycliffe, premier traducteur de la Bible dans cette langue, ne les a pas inclut dans sa version. L'allemand Martin Luther quand à lui traduisit les livres mais les plaça en annexe du reste de ceux qu'il considérait comment vraiment inspirés, soulignant par un commentaire qu'ils pouvaient servir à l'édification personnelle et à l'histoire mais en aucun cas faire autorité sur le plan théologique (avis partagé par l'église mormone).

Par la suite la vague réformée rejeta définitivement ces apocryphes de ses versions de la Bible. Le protestantisme a fait le choix de s'appuyer sur l'exemple de (Saint) Jérôme qui lui-même préféra se référer aux écrits originaux hébreux plutôt qu'à la LXX grecque.


En résumé la question pour laquelle toutes les églises n'ont pas le même canon biblique repose sur le choix de s'appuyer plutôt sur les textes originaux hébreux ou plutôt sur la version grecque des LXX. Pour le protestantisme, qui souligna les faiblesses des livres apocryphes en comparaison des livres canoniques, faiblesse sur le plan historique et littéraire, leur contenu même témoigne d'une origine profane non inspirée.


La preuve la plus démonstrative de leur origine profane se trouve dans le prologue du Siracide et en 2 Maccabées où les rédacteurs laissent eux-mêmes entendre qu’ils n’étaient pas inspirés par Dieu. On y lit par exemple : « Si la disposition des faits en est heureuse et bien conçue, c'est aussi ce que j'ai voulu; si elle est imparfaite et médiocre, c'est tout ce que j'ai pu faire. Car de même qu'il ne vaut rien de boire seulement du vin ou seulement de l'eau, tandis que le vin mêlé à l'eau est bon et produit une agréable jouissance, de même c'est l'art de disposer le récit qui charme les oreilles de ceux qui lisent l'histoire » (2 Maccabées 15:39, 40 – cf. 2:24-32).


Parmi les raisons pour lesquelles le protestantisme rejeta les apocryphes se trouve également le fait qu'ils enseignent souvent des choses opposées ou étrangères aux premiers écrits reçus par le judaïsme et au Nouveau Testament. Le second livre des Maccabées par exemple renferme la base des doctrines catholiques et orthodoxes de l'intersession des Saints et des prières dites pour les morts.


Le problème de l'exactitude historique se pose dans le livre de Judith. Les notes de la Bible de Jérusalem, version catholique, indiquent elles-mêmes que le livre « manifeste une superbe indifférence pour l’histoire et la géographie ». D’après le récit, les événements se déroulent sous le règne de Nabuchodonosor , dont il est dit qu’il régna sur les Assyriens à Ninive. Or, l’introduction et les notes de cette version indiquent qu'il régna sur la Babylonie et jamais sur Ninive, pour la bonne raison que cette ville avait été détruite auparavant par Nabopolassar son père. À propos de l’itinéraire suivi par l’armée d’Holopherne, cette introduction déclare qu’il est « un défi à la géographie ».


Certains autres livres, tels la Sagesse ou le Siracide, posent le fondement du judaïsme rabbinique imprégné de philosophie grecque qui prendra de plus en plus de distance avec le judaïsme primitif essentiellement basé sur l'observation des livres de la Loi écrite. Le livre de la Sagesse par exemple ouvre la porte à l'adoption de la conception de l'immortalité de l'âme tel que l'a exprimé Platon.


Depuis quelques années les éditions Gallimard publient un corpus de livres apocryphes et gnostiques étrangers aux versions de la Bible :


http://www.amazon.fr/La-Bible-%C3%A9crits-intertestamentaires/dp/2070111164


http://www.amazon.fr/Ecrits-apocryphes-chr%C3%A9tiens-tome-1/dp/2070113876/ref=pd_sim_b_4


http://www.amazon.fr/Ecrits-apocryphes-chr%C3%A9tiens-2-Anonyme/dp/2070113884/ref=pd_sim_b_3


http://www.amazon.fr/Ecrits-apocryphes-chr%C3%A9tiens-2-Anonyme/dp/2070113884/ref=pd_sim_b_3


dimanche 5 septembre 2010

L'église mormone : un christianisme polythéiste ?

Image : Détail du Livre d'Abraham faisant partie du canon mormon. Joseph Smith a traduit en 1835 un papyrus égyptien que des amis lui avaient offert et l'a présenté comme étant un livre écrit par le patriarche. C'est principalement dans cet ouvrage qu'est exposé l'existence des Dieux créateurs. Une expertise scientifique a révélée qu'il s'agissait en réalité d'un exemplaire du livre égyptien des morts.


Le mormonisme demeure sur le vieux continent une religion encore mal connue du grand public voir même totalement inconnue pour certain.

Cette église, deux clichés lui colle à la peau, la polygamie et un pro-américanisme forcené.

Il est important de noter avant d'aller plus loin que le mormonisme n'est pas représenté par une seule église.

En effet plusieurs mouvements se réclamant de l'enseignement du livre de Mormon existent ou ont existé (un site français en relève 17).

Attendu quelle est la plus importante en nombre de fidèle et en terme d'implantation à l'échelle mondiale, nous nous bornerons à parler de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours dont le siège est établi à Salt Lake City (Utah, Etats-Unis).

Pour se faire une idée général des enseignement du mormonisme je reprendrais la note que j'avais rédigé pour le glossaire du site Sapientia : http://www.sapientia-portail.net/glossary/Glossaires-des-termes-courants-utilises-dans-Sapientia_gi1421.html?l=E#mot_13567

Ensuite j'essaierai de dégager quelques points de repère afin de tenter de répondre à la question de sa légitimité en tant que religion monothéiste.

Caractéristiques

L'Église de Jésus-Christ des Saints des derniers Jours est un mouvement chrétien fondé au États-Unis en 1830 par Joseph Smith et qui se présente comme une religion révélée (aussi appelée mormonisme). Elle présente les caractéristiques suivant :
Baptisme – Baptise les adultes consentant par immersion complète (pratique également le baptême par procuration, un disciple est baptisé à la place d’un défunt).
Adventisme – Croit dans le retour de Jésus-Christ sur terre à la fin des temps.
Millénarisme – Croit dans le règne de Jésus pendant 1000 ans (le millénium) période durant laquelle la terre sera glorifiée.
Charismatisme – croit dans les dons du Saint-Esprit (parler en langues, prophéties, etc.)
Rejette la croyance traditionnelle en la Trinité. Le Père et le Fils sont deux personnes distinctes de chair et d’os, seul le Saint-Esprit est une personne spirituelle. Ces trois forment ce qu’ils nomment la Divinité.
Jéhovah est le nom de Jésus-Christ dans l’Ancien Testament.
Le Livre de Mormon relaterait l’histoire de Juifs installés en Amérique quelques 600 ans avant notre ère. Jésus y serait apparut après sa résurrection.
Les présidents de l'Église sont des prophètes inspirés et leurs écrits servent de base doctrinale.
L'Église enseigne la doctrine de la progression éternelle : tous les humains, à l’issu d’une période d’épreuve par leur naissance sur terre, peuvent recevoir l’immortalité aux cieux avec un corps physique glorifié et régner sur un autre monde.
Le cœur de cette doctrine est résumé par la devise : ce que l’homme est, Dieu le fut, ce que Dieu est, l’homme le sera. Tous les humains fidèles peuvent devenir des dieux.
Canon de l'Église :
1. La Bible – Ancien et Nouveau Testaments
2. Le livre de Mormon
3. Les Doctrines et alliances
4. La perle de grand prix
5. L’ensemble des discours prononcés au fil des années par les présidents s’ajoute à l'Écriture Inspirée.
Les mormons acceptent la Bible comme la Parole de Dieu mais estiment que son texte a été victime d’une altération et encourage à prier en la lisant afin d’en déceler les éventuelles erreurs. Les autres textes du canon mormon sont reconnus comme totalement exempts d’erreurs.
La polygamie n’est plus pratiquée par la branche majoritaire en termes de fidèles mais de petites églises dissidentes la soutiennent.

Des chrétiens polythéistes ?

Les mormons sont incontestablement des chrétiens car le mot chrétien signifie « qui suit le Christ » et toute personne se réclamant de l'enseignement de Jésus-Christ devrait être considéré comme tel.

Personnellement je pense que l'obligation d'adhérer au symbole d'Athanase ou l'un quelconque des autres symboles pour être regardé comme chrétien n'est pas recevable du point de vue sociologique.

Mais ne serait-il pas légitime de s'interroger sur la nature monothéiste de cette église ?

Pour définir le monothéisme on se base sur un critère simple, la croyance en un seul Dieu créateur et/ou organisateur transcendant.

Dans le cas de la croyance trinitaire il n'y a qu'un seul Dieu en trois personnes distinctes lesquelles sont de même substance et parlent d'une même voix.

Cette croyance peut d'un certain point de vue être considérée comme un trithéisme mais peut être également entendu comme un strict monothéisme si l'on insiste sur le fait que les trois sont une même substance.

Elle se veut différente des triades de dieux où chacun des membres répond au nom de « dieu » pour ne former finalement qu'un seul Dieu.

Dans la Trinité il n'est pas question de trois dieux mais de trois personnes faisant partie intégrante du Dieu unique.

Au delà de la question trinitaire le texte biblique est assez limpide quand à l'usage du mot « dieu ».

Dans le texte hébreu les singulier « 'El » et « 'eloah » (dieu) sont utilisés pour parler du Dieu unique, des divinités du paganisme, parfois des créatures spirituelles angéliques et enfin d'hommes sur le plan symbolique (comme représentants de Dieu) alors que « haʼEl » (dieu avec l'article défini) n'est employé que pour parler du Dieu unique. Les pluriels « 'elim » et « 'Elohim » sont utilisés de la même manière que « 'El » et « 'eloah ». Cependant chaque fois où ce pluriel « 'Elohim » est utilisé pour parler du Dieu unique il s'agit d'un pluriel de majesté pour marquer un respect particulier comme dans le vouvoiement (on peut dire « vous » à une seule personne en signe de respect).

Dans le texte grec « théos » (dieu) est employé pour désigner le Dieu unique, les divinités en général et des hommes comme représentants de Dieu.

Le mormonisme quand à lui utilise le mot « dieu » dans un sens plus large.

Le pluriel « 'Elohim » sert à qualifier le Père de Jésus-Christ mais également le conseil des dieux qui créèrent notre monde. C'est ainsi en effet que les mormons comprennent le mot « 'Elohim » dans les premiers chapitres de la Genèse. Pour eux il ne s'agit pas d'un pluriel de majesté mais bien d'un pluriel servant à qualifier un ensemble de dieux.

C'est donc un premier point : si les mormons reconnaissent l'existence d'un Dieu supérieur qu'il nomment « Elohim » et « le Père céleste » ils attribuent également notre existence à la volonté d'un groupe de dieux créateurs, le « Conseil des dieux » composé d'Elohim et de ses enfants.

Selon la doctrine de la progression éternelle un chrétien après son passage sur terre, ayant été éprouvé et déclaré juste, deviendra à son tour un Dieu, prendra une ou plusieurs femmes, qui seront des déesses et régnera sur un autre monde qu'il aura lui-même engendré.

Voici ce qu'ont déclarés quelques présidents de l'Église :

« Nous ne nous en souvenons pas mais dans une vie antérieure nous existions en tant qu’esprits » (Rex Lee).
« Dieu lui-même a jadis été tel que nous sommes maintenant et est un homme exalté et siège sur son trône dans les cieux là-haut ! Il faut que vous appreniez comment être vous-mêmes des dieux, (...) exactement comme tous les dieux l’ont fait avant vous » (Joseph Smith).
« Ce que l’homme est, Dieu le fut; ce que Dieu est, l’homme le sera » (Lorenzo Snow)
« Tous les hommes et les femmes sont (...) littéralement des fils et des filles de la Déité ! »
(Joseph Smith III).
« Combien y a-t-il de Dieux ?, je ne le sais pas. Mais de tout temps, il y a eu des Dieux et des mondes. Les hommes ont toujours connu les mêmes épreuves que les nôtres » (Brigham Young)

D'autre part Brigham Young déclara encore : « Notre Père Adam vint dans le jardin d’Éden (...) et amena Ève, une de ses femmes. (...) Il est notre père et notre Dieu » (Journal of Discourses, volume I, page 51).

Image : Brigham Young, second président de l'Église. Il enseigna que Jésus-Christ était le fruit d'une union charnelle entre Adam et Marie.


Selon Joseph Smith, Adam est « l’Ancien des Jours » (Doctrine et Alliances 116) et selon Brigham Young il fut le Père physique de Jésus.

Selon ce dernier en effet Jésus n’a pas été engendré par l’esprit saint, mais dans la chair, Adam ayant eu des relations sexuelles avec Marie (cf. Journal of Discourses, volume I, pages 50-51).

Il semble que cette doctrine ait été abandonnée car l'Église enseigne aujourd'hui que c'est « le Père céleste » Elohim qui aurait visité Marie pour engendrer Jésus (les missionnaires que j'avais interrogé sur ce point ne m'ont pas répondus franchement et m'ont laissés entendre que ce discours n'était peut-être pas à considérer comme inspiré – pourtant il est bien présent dans le Journal of Discourses lequel renferme les différentes révélations de Dieu aux présidents jusqu'à nos jours).

Pour résumer nous constatons que le mormonisme enseigne ou enseigna premièrement qu'il existe depuis toujours une multitude de dieux, que deuxièmement nous tendons tous à devenir des dieux, que troisièmement le père de Jésus-Christ est Dieu et que quatrièmement le premier homme Adam est lui-même notre père et notre Dieu.

D'une certaine manière le mormonisme pourrait bien être la première église chrétienne moderne polythéiste depuis le gnosticisme.

Le mormonisme n'est d'ailleurs pas sans rapport avec la gnose laquelle, sous des formes diverses, était dualiste et enseignait l'existence d'au moins deux Dieu, l'un mauvais appelé le Démiurge (généralement identifié comme étant le Jéhovah de l'AT), créateur de l'espèce humaine déchue et un bon, caché dans les lieux céleste que les âmes immortelles pouvaient rejoindre après leur passage sur terre. Le Dieu bon est souvent représenté par le serpent du jardin d'Eden, révélateur de la connaissance de soi. En effet le serpent révéla à Adam et Eve qu'en mangeant du fruit défendu « ils deviendraient comme Dieu ». Cela fit des deux premiers humains les initiateurs d'un départ vers les cieux où serait leur vrai place. La ressemblance est assez frappante avec la doctrine mormone à cela près que dans la gnose il faut se débarrasser du corps physique alors que le mormonisme insiste sur la conservation de celui-ci sous une forme glorifiée dans les cieux.

Les mormons nous l'avons dit reconnaissent le Dieu de la Bible, laquelle le présente comme étant le seul est unique Dieu tout-puissant.

La Bible ne passe pas sous silence que les êtres spirituels comme les anges sont également de nature divine. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la version syriaque donne « anges » en Psaume 82:1 là où l'on lit « dieux » dans la Septante et la Vulgate.

Cela dit les créatures angéliques ne sont en rien comparables au Dieu unique tout-puissant et incréé.

Par ailleurs ils ne peuvent être adorés.

Mais dans la mesure où les mormons estiment que le texte biblique n'est pas entièrement fiable du fait de nombreuses altérations de texte, ils préfèrent à la Bible les livres transmis par Joseph Smith qui enseignent l'existence d'autre Dieux.

Normalement on utilise la forme « Dieu » (avec une majuscule) pour parler du Dieu unique. Mais attendu qu'il existe d'autres dieux semblable à Elohim celui-ci cesse de fait d'être le seul et unique Dieu transcendant que dépeint la Bible. Ils ne sont plus « des dieux » mais « des Dieux ».

Le père d'Elohim par exemple était son égal en puissance et en majesté (Cf. Journal of Discourses, volume VI). Et en fait, puisque chacun de nous peut devenir à son tour le « Père éternel » d'un monde différent du notre, il n'y aura plus que des Dieux tout-puissants, ce qui devient un non-sens puisque cela annule l'idée de Divinité centrale unique et omnipotente indispensable au monothéisme.

Peut-on alors encore parler de monothéisme ?

Nous pouvons sur la base de ce que nous venons de voir affirmer que non.

Maintenant, par souci d'objectivité, poussons le raisonnement sur la base d'autres considérations.

Si on se limite au monde engendré par Elohim lui-même, il devient sans conteste le seul et unique Dieu tout-puissant du monothéisme.

Chaque homme ressuscité et devenu un autre « Père éternel » sort du contexte du monde connu.

D'autre part il semble que les humains terrestres n'ont rien à faire avec les Dieux des autres mondes et n'ont donc aucune obligation de les adorer.

Si l'on s'en tient à ces strictes considérations, le mormonisme demeure un monothéisme.

Par contre cela ne règle pas la question de l'omniscience de Dieu.

En effet dans le monothéisme Dieu n'est pas seulement omnipotent (tout-puissant), il est aussi prescient et omniscient.

La prescience de Dieu est sa capacité à pouvoir tout discerner à l'avance dans la mesure où il le souhaite. Il peut ou non se servir de cette science, selon son dessein, comme le démontre le thème du libre arbitre (Dieu n'a volontairement pas voulu savoir à l'avance si l'homme serait intègre ou pécherait. Cela s'accorde parfaitement avec son omnipotence).

L'omniscience dans le cadre du monothéisme est la capacité qu'a Dieu de savoir tout ce qui se passe partout et en même temps.

D'autre part les livres saints des religions du tronc judéo-chrétien (juifs, chrétiens, musulmans) ont toujours dépeints Dieu comme étant un souverain universel créateur « des cieux et des la terre » sans en définir les limites.

Cela indique que le monothéisme, jusqu'à Joseph Smith, a toujours considéré que Dieu est le seul créateur de tout ce qui existe, ici-bas et dans les hauteurs infinies.

En résumé l'autorité du Dieu du judéo-christianisme couvre l'univers entier sans définition de frontière. D'après la Bible (et ce que l'on ressent dans l'islam) son autorité est infinie à l'échelle de l'univers, ce que nous en connaissons autant que ce que nous ne pouvons en observer.

Ainsi selon le définition qu'en donne le judéo-christianisme au travers de ses écrits sacrés, la logique du monothéisme ne peut souffrir l'existence d'une multiplicité de Dieux omnipotents.

Ma conclusion est donc la suivante : s'il existe plusieurs Dieux tout-puissants on sort du cadre du monothéisme pour entrer dans une forme de polythéisme. Le mormonisme ne demeure un monothéisme que pour lui-même au regard de ses propres livres saints et peut légitimement être considéré comme une église chrétienne polythéiste.